Éditions Sorman

Depuis votre élection, en 2008, vous faites de l’environnement votre priorité, or les habitants y voient souvent une source de contraintes.

Le temps long est important si on veut obtenir des changements de comportement de la population. Nous avons, dans la durée, obtenu quelques résultats tangibles. Par exemple, il y a quatre, cinq ans, nous avons réussi à aménager des « passages doux » pour les piétons et les vélos au cœur du village. Presque tous les enfants les utilisent entre leur domicile et l’école, pour aller au parc ou à la salle de gym. Ces itinéraires sécurisés passaient à l’arrière de jardins privés, il a donc fallu convaincre les propriétaires de nous vendre une bande de 2 m de largeur. Nous avons acheté à l’amiable sans déclaration d’utilité publique. Pour convaincre les propriétaires privés, nous avons proposé de rendre cet îlot constructible et d’installer un dispositif pour filtrer le passage des deux-roues motorisés.

Muttersholtz n’a pas attendu le décret tertiaire pour réduire les consommations énergétiques de ses bâtiments. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Presque tous nos bâtiments sont passifs et demandent peu de chauffage. Pour l’électricité, nous sommes en autoconsommation grâce à nos deux turbines. Nous avons investi dans une centrale hydroélectrique très rentable. Il y a six, sept ans, nous avions calculé un temps de retour sur investissement de 25 à 35 ans car nous revendions notre électricité à Enercoop (fournisseur d’électricité verte) ou au tarif conventionné. Depuis deux ans, nous sommes en autoconsommation et le temps de retour sur investissement a été ramené à dix ans. Les ENR, c’est un enjeu écologique pour les territoires ruraux mais c’est aussi une richesse : nous avons de l’eau, du vent, du soleil, gratuits. Si on veut les utiliser, il faut le faire en circuit court pour que la rentabilité soit maximale.

Comment expliquez-vous cette « rentabilité » de votre transition écologique ?

Grâce aux solutions locales, qui resteront valables partout car elles sont simples et ne nécessitent pas d’investissements extraordinaires. De plus, les financements sont abondants* car tout le monde ne s’est pas encore mis à la transition écologique. On sort tout juste de l’ère des pionniers. J’observe que les freins ne sont pas financiers mais liés à la complexité des projets. C’est plutôt un problème de ressources humaines : il faut des compétences et du temps, même pour du suivi si on prend un cabinet d’études.

Comment votre commune de 2 164 habitants trouve-t-elle les moyens d’investir ?

Quand nous avons rénové la mairie, qui date du 19ème siècle, pour en faire un bâtiment passif, nous avons obtenu des subventions et des certificats d’énergie, nous n’avons donc presque rien dépensé. En 16 ans, nous avons augmenté les impôts de 2 ou 3 % alors que nous avons rénové tous nos bâtiments, construit un grand gymnase, créé une centrale électrique, investi dans la trame verte et bleue. Nous avons des niveaux d’investissement très élevés pour un village de notre taille mais notre taux de remboursement de la dette est de 2,5 ans. Notre situation reste saine car nous différons tous les projets pour lesquels nous n’avons pas au moins 60 % de subventions.

Rencontrez-vous des oppositions à la production d’ENR ?

Une partie de la population s’est opposée à la pose de panneaux photovoltaïques sur le toit de l’église protestante. Nous avons renoncé pour maintenir une bonne ambiance dans le village. Nous avons cependant du photovoltaïque sur le gymnase, sur notre atelier de fabrication de jus de pomme, sur la halle de marché, que nous venons de réaliser, et nous prévoyons de recouvrir les ateliers municipaux. En revanche, nous sommes plutôt réticents à l’égard du photovoltaïque au sol car nous avons des terrains très fertiles, la meilleure façon d’utiliser l’énergie solaire, c’est donc la photosynthèse !

* Sur le site de la commune (www.muttersholtz.fr), nos lecteurs pourront découvrir les projets réalisés et leurs plans de financement.

Jean-Philippe ARROUET le 05 septembre 2024 - n°1242 de La Lettre de l'Environnement Local des communes et des intercommunalités