Gestion territoriale de l’eau : deux expériences dans l’Hérault et le Gard Abonnés
Le canal de Gignac : réduire les prélèvements d’eau
Depuis les gorges de l’Hérault, au pied du causse, jusqu’à Tressan, dans la vallée, le canal de Gignac dérive l’eau du fleuve pour irriguer 3 500 hectares sur 11 communes, au service des 3 850 adhérents de l’ASA créée en 1876. Le réseau gravitaire de 220 km fonctionnait sur un maillage de petits canaux, avec un rendement très faible. L’ASA avait pourtant mené des expérimentations sur la régularisation et l’automatisation des canaux. Mais les prélèvements d’eau brute dans l’Hérault étaient incompatibles avec les objectifs de l’État et de l’Agence de l’eau, concernant le débit réservé et l’atteinte du bon état des eaux, qui imposent d’économiser environ 20 millions de m³/an. En 2005, l’ASA a reçu un procès-verbal de la police de l’eau pour non-respect du débit réservé.
Les partenaires de l’ASA ont alors accepté d’élaborer une charte d’objectifs et un schéma de modernisation (coût 3 M €). Puis, avec l’appui de l’Agence de l’eau, l’ASA s’est engagée dans un projet de contrat de canal, projet de territoire essentiellement centré sur la conversion de l’irrigation gravitaire en arrosage goutte à goutte par des tuyaux sous pression. Le contrat de canal 2011-2016 validé par 24 signataires en décembre 2011 représente un programme de travaux de 13,4 M € sur 5 ans, soit 0,67 €/m³/an, réparti comme suit : FEADER européen 29 %, Agence de l’eau RMC 25 %, région Languedoc-Roussillon 13 %, département de l’Hérault 7 %, Communauté de communes de la vallée de l’Hérault 1 %.
L’objectif du contrat est de faire travailler ensemble plusieurs syndicats et intercommunalités, souligne Louis Villaret, président de la CC vallée de l’Hérault. Actuellement, 2 syndicats de 4 communes sont regroupés, 5 communes en régie veulent adhérer : selon l’élu, une entité à 13 communes permettrait de faire des économies et d’assurer l’avenir par des interconnexions en cas de problème de forage. Il appartiendra aux élus à venir de prendre la décision d’effectuer les travaux, conclut-il.
Le contrat de canal a permis de réaliser l’évaluation des besoins et d’établir des fiches actions pour programmer les travaux. Un plan d’amélioration des pratiques phytosanitaires et horticoles (PAPPH) est en cours, sur la base du Plan végétal pour l’environnement ; mais la pérennité du dispositif PVE, qui apporte aux viticulteurs et agriculteurs 40 % de financement européen et de l’Agence de l’eau, soit environ 1 000 €/ha, n’est pas assurée.
L’irrigation est essentielle pour la production et la productivité des exploitations, essentiellement viticoles. Grâce au goutte à goutte, la consommation d’eau est divisée par 10, soit une économie de 10 000 m³/ha/an. Grâce aux travaux déjà réalisés, 80 % des agriculteurs, représentant 1 700 ha sur l’ASA, passent en goutte à goutte. L’efficacité globale du réseau est passée de 8 % en 2000 à 18 % en 2009, avec l’objectif d’atteindre 30 % d’ici 2016, voire de dépasser 50 %. Et le débit de l’Hérault a plus que doublé en aval de la prise d’eau.
Avec ce contrat de canal, l’ASA s’implique dans la gestion durable de l’eau, avec le Syndicat mixte de bassin du fleuve Hérault, reconnu en 2011 comme Établissement public territorial de bassin, qui porte le SAGE.
Saint-Ambroix restaure ses réseaux et rétablit la baignade
En 2008, Saint-Ambroix, porte du Parc national des Cévennes, se trouve avec une régie à la dérive, un réseau d’eau potable à 34 % de rendement, une station d’épuration en zone inondable, non conforme, avec mise en demeure du préfet d’en construire une nouvelle avant deux ans, et une baignade sur la Cèze interdite, qui le restera durant 4 ans. Le nouveau maire, Daniel Pialet, fait voter une subvention exceptionnelle de 80 000 € au budget d’assainissement. Après audit, la gestion patrimoniale des réseaux commence, avec la réalisation du schéma directeur de l’eau et de l’assainissement, et la cartographie des réseaux : la commune découvre que son réseau d’eaux usées compte 33 km de canalisations et non 22. La même année, le tarif de l’eau augmente fortement, de 2,20 € à 3,80 € (sur la base de 120 m³ de consommation annuelle). L’eau est désormais facturée au personnel municipal et aux équipements communaux.
Avec l’aide de l’Agence de l’eau RMC, qui a multiplié par 30 ses aides à la commune entre le 8ème et le 9ème programme, Saint-Ambroix affiche un bilan positif : une step aux normes, un schéma directeur validé, le rendement du réseau porté à 60 % (objectif 85 % en 2014), un nouveau bassin d’orage de 500 m³… L’achat de matériel de recherche de fuites (15 000 €) guide le remplacement de canalisations ; les fontaines publiques sont déconnectées du réseau d’eau potable, les eaux de toiture sont récupérées pour l’arrosage public. L’action sur les compteurs est à la base du projet : avec la réintégration de 200 compteurs oubliés et la récupération d’impayés, la commune a recouvré 70 000 €. La télérelève pris le relais, avec 2 500 compteurs changés, et un déclenchement automatique d’alerte en cas de consommation anormale.
Avec l’appui du Syndicat mixte d’aménagement du bassin de la Cèze (ABCèze), présidé par Daniel Pialet, Saint-Ambroix engage avec 2 communes un PAPPH et passe au zéro phyto. Les 3 points de baignade sur la Cèze sont ouverts. Les économies d’eau ont permis de réduire de 2 500 à 1 700 m³/jour les prélèvements par forage dans la nappe alluviale de la Cèze. Un forage en nappe profonde serait nécessaire pour assurer les besoins locaux.
Le maire n’en oublie pas pour autant les points négatifs. Faute d’une consultation adaptée, la délibération du conseil municipal sur l’augmentation du prix de l’eau a été attaquée au tribunal administratif et abrogée après 2 ans. Il a fallu rembourser 2 500 factures, et retarder des travaux. Autre regret, la nécessité d’aller vite pour construire une step aux normes n’a pas permis de réaliser une step intercommunale, alors que 3 installations voisines étaient en projet. « Les collègues maires ne sont pas prêts à faire de l’eau et de l’assainissement une compétence intercommunale, alors qu’il faudrait mutualiser », déplore le maire.
Anne Lévy-Thibert
non signé le 23 janvier 2014 - n°1009 de La Lettre de l'Environnement Local des communes et des intercommunalités
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